A l’occasion des « entretiens cordiaux et fructueux », les deux dirigeants ont discuté des relations bilatérales entre les deux pays, ainsi que des questions régionales et internationales d’intérêt commun, en passant par la situation interne au Gabon. Il ressort de quelques indiscrétions qu’il s’agissait d’une visite d’explication.
« Je suis venu échanger avec le président Paul Biya qui est le grand doyen de la sous-région, notamment sur la situation du Gabon après le 30 août. Je suis venu implorer sa clémence afin que le Gabon revienne au sein de la CEEAC, afin que le Gabon retrouve ses lettres de noblesse. Je pense que cette visite était importante pour nous, parce que c’était une visite d’explication de ce qui s’est passé au Gabon. Et le président Paul Biya nous a promis son soutien total afin que les choses reviennent à la normale au Gabon », a déclaré le président de la Transition à la presse. « Nous sommes à l’écoute, nous sommes contents et je suis ému de cette visite qui me rassure. D’autant plus qu’il y a un sommet extraordinaire de la CEEAC qui va se jouer le 15 décembre à Malabo. Cette visite explicative était nécessaire », a-t-il ajouté.
Convergence de vues entre Libreville et Yaoundé
La visite éclair du numéro un se situait surtout dans un contexte où, à l’issue des élections générales tenues le 26 août 2023, Ali Bongo Ondimba a été renversé par un coup d’Etat, le 30 août 2023, après l’annonce contestée de sa victoire à l’élection présidentielle. Le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions ayant annulé tous les résultats issus de ces élections, a dissout toutes les institutions de la République. Le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema est devenu le président de la Transition le 4 septembre 2023.
« Les deux pays sont confrontés aux mêmes exigences de développement économique et social, ainsi qu’à des défis sécuritaires comparables, que ce soit le long de la frontière commune ou dans le golfe de Guinée. Ils doivent donc entretenir des concertations régulières pour préserver la paix et la stabilité dans la sous-région, et œuvrer pour la mise en place d’une zone de coprospérité à travers le renforcement de l’intégration sous régionale », indiquait le dossier de presse de la Présidence de la République du Cameroun. Les similitudes culturelles entre les deux pays constituent également un puissant facteur de communication et de compréhension mutuelle, fait-on savoir. L’hôte du président Paul Biya a également eu des échanges à huis clos avec les membres de la communauté gabonaise au Cameroun.
La diplomatie au menu
« Au-delà de cette visite, nous avons échangé sur les questions de coopération et de la sous-région. Le Gabon et le Cameroun partagent une frontière commune. On a pratiquement la même culture. Donc les enjeux sont énormes. Et c’est un retour à la normalisation, à la grande diplomatie entre Yaoundé et Libreville », s’est réjoui le Général de Brigade Oligui Nguema. C’est depuis le 4 septembre que le général rencontre ses homologues africains. La tournée diplomatique l’a conduit notamment auprès de Teodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale, de Denis Sassou Nguesso de la République du Congo, de Paul Kagame du Rwanda et de Félix Tshisekedi de la RDC.
Les relations diplomatiques entre le Cameroun et le Gabon datent de 1960. Les deux pays ont mis sur pied une grande commission mixte de coopération, qualifiée d’ailleurs comme étant l’une des plus actives dans la sous-région CEMAC. La dernière session, 13ème du genre, s’est tenue du 3 au 4 mars 2011 à Yaoundé. Le comité de suivi des résolutions de ladite Commission s’est tenu quant à lui du 21 au 22 mars 2012 à Libreville. La première session des rencontres bilatérales sur les questions consulaires et de sécurité transfrontalière a eu lieu à Yaoundé, du 10 au 12 septembre 2012. Ces assises ont abouti à la signature de l’accord portant création de la commission mixte permanente de sécurité transfrontalière, ainsi qu’à l’institution du règlement intérieur du comité mixte de suivi et d’évaluation des questions consulaires et de sécurité transfrontalière.
En outre, les relations entre les deux pays sont régis par plusieurs autres accords : l’accord de coopération culturelle signé à Libreville, le 29 janvier 1972, l’accord de coopération en matière de main d’œuvre signé à Franceville, le 9 août 1974, l’accord-cadre de coopération industrielle signé à Franceville, le 9 mai 1974, la convention en matière de nationalité signé à Yaoundé, le 14 avril 1978. Au plan multilatéral, le Cameroun et le Gabon sont membres de plusieurs organisations internationales, régionales et sous-régionales. Ils sont d’abord et avant tout membres des deux grands ensembles sous-régionaux, à savoir la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). L’ambassadeur du Cameroun au Gabon est S.E. Edith Ondoua Ateba née Ngaeto Zam, nommée par le président de la République le 18 septembre 2018. L’ambassadeur du Gabon au Cameroun est S. E. Patrick Biffot, par ailleurs doyen du corps diplomatique.
Les dossiers économiques en revue
Il a aussi été question de dossiers économiques et commerciaux. Le volume des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Gabon s’est chiffré à une moyenne de 38 milliards de F en 2021. La note sur le commerce extérieur du Cameroun publiée par l’Institut national de la statistique (INS) indique que les exportations en provenance du Cameroun vers le Gabon se sont établies à 38 900 tonnes durant la période sous revue, pour une valeur de 27,2 milliards de F. Les produits exportés sont alimentaires pour l’essentiel, soit l’arachide, les oignons, les poulets, les maraîchers, etc. Les importations gabonaises à partir du Cameroun quant à elles se chiffrent à 23 milliards de F pour 38 200 tonnes de marchandises. Les principaux produits importés sont l’huile de palme et le clinker.
Des contraintes structurelles communes
Les relations amicales entre le Gabon et le Cameroun sont mises à mal par certaines contraintes rencontrées sur le terrain. Il en est ainsi des tracasseries douanières et policières sur les corridors routiers (barrages et contrôles), auxquelles sont régulièrement contraints les touristes, les commerçants et les investisseurs des deux pays. Le problème de la démarcation définitive de la frontière terrestre est également pendant.
Lors des travaux de la Commission ad hoc des frontières tenus en 2021, les deux pays ont réaffirmé leur volonté commune de résoudre pacifiquement la question. Ils ont souligné l’importance de maintenir des relations de bon voisinage et de coopération, et ont convenu de poursuivre les discussions et échanges techniques sur la délimitation des frontières. Faut-il rappeler que la longueur de la frontière entre le Cameroun et le Gabon est comprise entre 230 et 298 kilomètres, selon les sources officielles.